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Le grand enjeu fondamental de cette recherche est de développer un modèle des points de contact (ou interfaces) entre la faculté du langage et les autres facultés du système cognitif. À ce grand enjeu intellectuel s'ajoute celui de développer les technologies de l'information intégrant le modèle des interfaces cognitives. L'enjeu fondamental répond à la nécessité de développer nos connaissances des propriétés de la faculté du langage et de son interaction avec les autres sous-systèmes de la cognition. L'enjeu technologique répond à la nécessité de développer des systèmes de traitement automatique qui puissent traiter plus efficacement l'information sur support électronique, et être ainsi plus utile aux membres de la société au sens large, et entre autres à ceux qui souffrent de pathologies du langage.
Résumé long
Anna Maria Di Sciullo
Département de linguistique
Université du Québec à Montréal (UQAM)
di_sciullo.anne-marie@uqam.ca
Tel: (514) 987-3000, poste 3519
Fax: (514) 987-0377
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Nature et retombées des résultats majeurs liés à la subvention 2004-2012
Nos avancées en linguistique théorique dans le cadre du GTRC (2004-2012) ont conduit à la formulation d’un modèle des interfaces où les relations asymétriques, i.e. unidirectionnelles, sont privilégiées. Selon ce modèle, la relation de sous-ensemble propre caractérise les dépendances entre les éléments des représentations d’interfaces conceptuelle-intentionnelle et sensori-motrice. Nous avons montré que cette relation caractérise et unifie les propriétés des chaînes morphologiques (Di Sciullo (2004, 2005a, b, f, 2007a), et syntaxiques (Di Sciullo et Isac, à paraître). Nous avons aussi montré que l’asymétrie persiste dans la micro-variation (Di Sciullo et D’Alessandro, à paraître ; Hale 2007 ; Hale, Kissock et Reiss, 2007). En outre, nous avons apporté des preuves supplémentaires à l’asymétrie des catégories (Dechaine et Tremblay, en préparation), des structures d’arguments (Di Sciullo 2005a ; Hill et Roberge 2006), des arguments nuls (Cummins et Roberge 2004 ; Pirvulescu et Roberge 2005 ; Roberge 2007), de la modification (Anadroutsopoulou et Echevarria 2006 ; Anadroutsopoulou et Echevarria, en révision), et des relations opérateur-variable (Di Sciullo et Landman 2007 ; Di Sciullo et Banksira 2007). Ces résultats ont des retombées importantes pour la formulation d’un modèle de la faculté du langage.
Nous avons apporté des preuves expérimentales à l’hypothèse que les asymétries sont perçues par la cognition humaine en procédant à des expériences sur la perception des catégories fonctionnelles par les très jeunes enfants (Shi et al. 2006a, Shi 2005 ; Marquis et Shi, soumis), ainsi que sur l’acquisition des pronoms (Di Sciullo et Aguero, à paraître ; Roberge, Perez-Leroux et Pirvulescu 2006 ; Androutsopoulou, Español-Echevarría et Prévost, en révision) et des concepts (Niyogi et Berwick 2005). Nos travaux sur les sujets souffrant de la maladie de Parkinson supportent également nos hypothèses (Cohen 2003 ; Cohen et Pourcher 2007 ; Frak, Cohen et Pourcher 2004). Les résultats de nos expériences indiquent des différences de perception (temps de réaction) des structures verbales avec préfixes externes ou internes (Tsapkini, Jarema et Di Sciullo 2004), entre composés incluant un objet ou un adjoint (Di Sciullo et Tamioka, en préparation), des structures syntaxiques passives et moyennes (Di Sciullo, De Almeida et al. 2007), et des structures à complément infinitif (De Almeida et Dwivedi 2006). Ces travaux ont des retombées importantes pour un modèle unifié de la cognition humaine, qui s’appuie sur des résultats mesurables expérimentalement. Nous avons également appuyé l’hypothèse que les relations d’asymétrie font partie d’autres facultés de la cognition, comme c’est le cas pour les travaux de Frak et al. (2004, 2006) sur l’asymétrie du mouvement intentionnel. Ceci vient appuyer notre hypothèse selon laquelle cette propriété des relations assure la communication entre les sous-systèmes cognitifs, qui donnent lieu, par exemple, à la parole et au mouvement.
Nous avons développé des prototypes pour l’analyse automatique des langues naturelles basés sur la reconnaissance des asymétries d’interfaces. Ces prototypes d’analyse morphologique et syntaxique simulent les processus cognitifs humains, puisque ces derniers privilégient les relations d’asymétrie (Di Sciullo et Fong 2005 ; Fong, à paraître ; Di Sciullo, Gabrini, Batori et Somesfalean 2006 ; Niyogi et Berwick 2005). Nous avons développé des prototypes d’analyseurs morphologique et syntaxique en y incorporant des contraintes qui puissent traiter la complexité dérivationnelle (Di Sciullo 2005c, 2006 ; Fong 2005, à paraître ; Niyogi et Berwick 2005). Ces travaux ont des retombées importantes pour le traitement automatique des langues naturelles orienté par les propriétés des grammaires plutôt que par des calculs statistiques. Nous avons également contribué au développement d’un logiciel de recherche et d’extraction d’information basé sur le traitement des configurations linguistiques en partenariat avec la société Delphes Technologies International. Cette société se propose de faire don de ce logiciel à l’UQAM, ce qui permettra de faire bénéficier la communauté universitaire des avantages de ce moteur de recherche qui constitue une innovation eu égard aux moteurs de recherche basés sur la recherche de mot clés. Le logiciel a nettement fait ses preuves, ayant reçu plusieurs prix pour la qualité de sa précision en recherche et extraction d’information.
Avancées dans les trois volets depuis le raport de mi-parcours (juin 2006)
Tel que défini dans notre calendrier de travail pour 2006-2008, dans le volet linguistique fondamentale, nous avons analysé les asymétries d’interfaces propres aux relations de modification (Anadroutsopoulou et Espanol-Echevarria 2006, 2007 ; Hill 2006, 2007), aux relations de liage (Di Sciullo 2006 ; Canac Marquis 2007) et aux relations opérateur-variable (Di Sciullo et Banksira 2007 ; Di Sciullo et Landman 2007). Ces travaux appuient l’hypothèse de l’asymétrie minimale, selon laquelle les relations asymétriques sont interprétables de manière optimale. Les travaux de Dechaine et Tremblay (en préparation) sur les catégories et la cognition et les travaux de Tremblay (en préparation) et de Burnett et Tremblay (soumis) sur les relations aspectuelles viennent également appuyer cette hypothèse. Les travaux de Roberge (2007) et Hill et Roberge (soumis) sur la dérivation des objets thématiques indirects en français appuient l’hypothèse de l’asymétrie minimale, ainsi que l’hypothèse de la visibilité des fragments, selon laquelle l’interprétation s’effectue de manière cyclique. Les travaux sur les éléments périphériques, les opérateurs d’évaluation de valeur de vérité oui?/non? (Di Sciullo 2007b), les marques d’attention eh?/hein ? (Gold et Tremblay 2007 ; Tremblay, en préparation) et les marqueurs pragmatiques (Hill 2008) viennent appuyer l’hypothèse de la modularité dynamique selon laquelle le contact entre les représentations dérivées par les systèmes de performance s’effectuent dans le domaine des fragments.
Dans le volet psycho et neurolinguistique, nous avons obtenu des résultats indiquant qu’il y a des différences de temps de réaction dans la perception humaine des arguments et des modificateurs : le traitement cognitif est plus long pour les composés adjoint-verbe que pour les composés objet-verbe (Di Sciullo et Tomioka, en préparation). Ces résultats corroborent ceux que nous avons obtenus antérieurement sur le traitement cognitif des structures verbales du français incluant des préfixes internes ou externes (Tsapkini et al. 2004). Nous avons également observé une différence de traitement cognitif dans la perception des structures passives vs. structures moyennes (Di Sciullo, De Almeida et al. 2007) : le temps de réaction pour structures moyennes est plus long que pour les structures passives. Selon nos hypothèses, les humains perçoivent les expressions linguistiques en termes de structures hiérarchiques : Op > Mod > Pred. Ces structures hiérarchiques sont analysées en termes de relations asymétriques aux interfaces. De plus, nous avons poursuivi nos travaux sur l’acquisition des catégories fonctionnelles (Di Sciullo et Aguero, sous presse ; Canac-Marquis 2007 ; Roberge et Pérez-Leroux, en préparation ; Gauthier, Shi & Yi 2007 ; Pietzak, Cohen et Snyder 2007), ainsi que sur les relations asymétriques reliant langage et mouvement intentionnel (Frak et al. 2007). Ces résultats expérimentaux viennent appuyer nos hypothèses sur les asymétries d’interfaces et leur traitement cognitif.
Dans le volet linguistique computationnelle, nous avons développé le prototype d’analyseur syntaxique en élargissant sa couverture empirique (Di Sciullo et al. 2006). Nous avons étendu la grammaire pour le traitement de structures de modification (constituants prépositionnels et adjectivaux) et de structures opérateur-variable (relatives, questions complexes, ainsi que les structures de quantification). Nous avons aussi importé dans l’analyseur la base lexicale développée dans des phases antérieures du GTRC. Cette base de donnée (ABELEX) inclut maintenant des ensembles représentatifs de structures de traits formels (catégorie) et sémantiques (structures d’arguments, aspectuelle et conceptuelle) pour les items lexicaux et pour les catégories fonctionnelles. Nous avons également optimisé le parseur pour le traitement du discours, par l’extension des structures de données permettant d’accommoder une suite de phrases. Une application Web a été développée pour la version courante du parseur. Nous avons aussi développé un prototype d’analyse des composés de l’anglais et du français basé sur l’articulation des catégories fonctionnelles (Dungan, Fong & Harrison, en préparation ; Di Sciullo 2005h). Enfin, nous avons présenté des arguments à l’encontre de l’approche statistique probabiliste au traitement automatique des langues naturelles (Berwick et Fong 2007).
Les résultats des travaux depuis la visite de mi-parcours se manifestent par des publications majeures chez des éditeurs reconnus, tels que le MIT Press, Oxford University Press, et John Benjamins, dans les trois volets de recherche : i) la théorie des interfaces (Di Sciullo et Hill, à paraître a, b ; Ramchand et Reiss (2007) ; Hale et Reiss, en préparation ; Hale et Kissock 2007) ; ii) la psycho et neurolinguistique (De Almeida, en préparation ; Cohen et Stemmer 2007) ; iii) la linguistique computationnelle (Fong et Berwick, en préparation).
Nos travaux ont aussi donné lieu au développement d’un logiciel performant et précis pour la recherche et l’extraction d’information à partir de collections de textes en français et en anglais. De plus, ils nous ont conduits à explorer le domaine de la biolinguistique, qui vise le développement des connaissances sur l’origine du langage, l’évolution et la variation linguistique. Deux volumes sur ce domaine seront publiés par MIT Press (Di Sciullo et Aguero, à paraître) et Oxford University Press (Di Sciullo et Boeckx, à paraître). Ces volumes incluent des contributions de chercheurs qui ont fait leur marque dans le domaine, dont N. Chomsky, M. Hauser, et T. Fitch. Nous avons aussi publié des articles dans ce domaine. En outre, nous prévoyons organiser un réseau international de biolinguistique dont un des centres serait situé à l’UQAM.
Les partenariats qui ont été mis sur pied
Nous comptons poursuivre le partenariat avec la compagnie Delphes Technologies International et ainsi développer un système de présentation des résultats de recherche par configuration qui tient compte des préférences des usagers. Le système requiert la constitution de bases de connaissances (BC), d’ontologies et d’un système de raisonnement. Nous mettrons l’accent sur l’approche configurationnelle au traitement automatique de l’information en développant un moteur d’inférence qui s’appuiera également sur les propriétés configurationnelles des termes des requêtes dans l’univers discursif, soit la collection de textes constituant l’historique de recherche des usagers.
Nous avons planifié un nouveau partenariat avec la compagnie Humanix, qui offre une plateforme web interactive de développement du bien-être des individus. Nous voulons développer un axe biolinguistique et un axe biomusicologique qui puissent s’intégrer à cette plateforme. Ce partenariat permettra ainsi de faire bénéficier le grand public de la vulgarisation de nos résultats de recherche sur les bases biologiques du langage, et les relations entre langage et cognition, ainsi que sur les bases biologiques de la musique, les propriétés de l’interface langage-musique, et leurs incidences pour le bien-être et la santé.
Nous avons aussi planifié un nouveau partenariat avec l’Université de Lille sur l’optimisation du raisonnement dans les ontologies. La question que nous voulons considérer est comment raisonner efficacement avec les BC multiples et améliorer l'efficacité du raisonnement sur des ontologies composantes. Le raisonnement dans une BC est une des applications les plus importantes des raisonneurs de la logique de description (LD). Les exigences de l'exécution du temps et de l'espace de mémoire sont les deux facteurs significatifs qui influencent directement la performance d'un algorithme de raisonnement. Nous voulons étudier les techniques qui existent déjà et proposer une nouvelle technique pour optimiser le raisonnement de LD avec le but de réduire sensiblement les deux facteurs ci-dessus. Cette nouvelle technique sera appliquée pour accélérer le raisonnement dans le cas d’un système de gestion des connaissances, voire d’un système de cognition et autres sous-systèmes. D’autre part, l'incorporation d’une telle nouvelle technique avec les techniques d'optimisation précédentes dans les systèmes courants de LD peut efficacement résoudre des inférences insurmontables. Nous optons pour une approche du type décomposition de l’ontologie dédiée au système de cognition en plusieurs sous-ontologies qui préserve toujours la sémantique et les services d'inférence de l'ontologie originale.
Les liens qui ont été créés jusqu’à maintenant avec les intervenants des partenariats, incluant les instances gouvernementales, académiques, et la population au sens large, ont été durables et fructueux. Il est fort probable, étant donné les travaux accomplis jusqu'à ce jour, que les nouveaux partenariats le seront également.
Liste des publications découlant du cycle 2004-2012
Nous remercions le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour le soutien constant accordé à nos travaux de recherche.
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